Page d'histoire : Albéric Magnard Paris, 9 juin 1865 - Baron (Oise), 3 septembre 1914

Né en 1865, Albéric Magnard compte parmi les musiciens qui autour des années 1900 confèrent à la musique française un rayonnement mondial. Comme plusieurs d’entre eux, il est issu d’un milieu modeste et sans prédisposition musicale. Son père, simple chroniqueur au Figaro, en deviendra néanmoins le rédacteur en chef en 1879. Sa mère, dépressive, se suicide en 1869. Ce drame bouleverse la vie d’Albéric qui n’a pas quatre ans. Confronté à la solitude, l’enfant grandit comme « dans un cachot » dit-il. La lecture est son refuge et devenu adolescent, il échafaude un monde de rêves dont Jean-Jacques Rousseau est l’âme. Le jeune adulte prisonnier de ses chimères, est désenchanté par un monde qu’il juge « flétri par le cynisme de l’homme ». Ce constat sans appel le conduit à une inadaptation sociale qui ne s’amendera pas.

La vocation musicale d’Albéric se dessine à une période inconnue. Avant de la mener à bien, il doit se plier aux exigences paternelles et faire sa licence en droit. Il n’intègre donc qu’en 1886 le conservatoire de Paris. Il y passe deux ans et remporte le premier prix d’harmonie. Rebuté par l’arrivisme et la sclérose qui y règnent selon lui, il le quitte et poursuit sa formation jusqu’en 1892 avec Vincent d’Indy. Dès cette époque il compose notamment la Suite d’orchestre dans le style ancien, la 1re Symphonie, un drame, Yolande, créé à Bruxelles en 1892, la 2e Symphonie.

Excepté pour sa musique de chambre, Magnard est un créateur qui s’inspire souvent d’événements qui marquent sa vie ou qui célèbrent ses conceptions. Ainsi il écrit en 1893 les Promenades pour piano dédiées à sa future femme. Faisant fi des principes, il aime cette fille très pauvre et mère célibataire d’un fils qu’il élèvera comme s’il était sien. En 1895 il compose le Chant funèbre à la mémoire de son père et la 3e Symphonie que lui inspirent des vacances familiales en Auvergne

Son drame Guercoeur, qui veut concilier la morale et la politique, représente la plus inaccessible de ses utopies

Son exigence rigoureuse de justice n’est pas moindre. Elle fait de lui un dreyfusard fervent. Dès la parution du « J’accuse » d’Émile Zola, il est l’un des rares musiciens à signer les pétitions de L’Aurore. Scandalisé par le jugement du tribunal de Rennes il démissionne du corps des officiers de réserve. L’Hymne à la justice écrit en 1901 prend ses racines dans l’affaire Dreyfus mais sa dédicace à Émile Gall.

Dans le même état d’esprit, Magnard fait montre d’un féminisme militant qui lui inspire l’Hymne à Vénus dédié à son épouse. Il l’incite également à offrir à l’Union des femmes professeurs et compositeurs de musique sa 4e Symphonie et en confie la création à ces dames. Et que dire de son opéra Bérénice dans la préface duquel il condamne Titus sans appel ?

Depuis 1904, Albéric Magnard, ne supportant plus Paris, vit isolé à Baron dans l’Oise. Il y est retrouvé par la guerre et tue un uhland avant d’être tué lui-même. Quelques semaines avant sa mort, il composait une mélodie sur un poème de Marceline Desbordes-Valmore, « Que mon nom ne soit rien qu’une ombre douce et vaine ». La musique et la vie demeurent ensemble dans leur accomplissement. À jamais.

Simon-Pierre Perret
docteur en médecine
spécialiste d’Albéric Magnard

Source: Commemorations Collection 2015

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