Page d'histoire : Parution des Recherches sur les ossemens fossiles de Quadrupèdes de Georges Cuvier 7 décembre 1812

Georges Cuvier fut l’une des figures majeures du monde des naturalistes du XIXe siècle. Son œuvre, immense, a donné ses lettres de noblesse à l’anatomie comparée et a jeté les fondements de la paléontologie des vertébrés. Cuvier a révélé au monde la nature et la diversité des ossements fossiles que l’on trouve dans les profondeurs de la terre.

Rien ne disposait le fils d’un modeste militaire de carrière à devenir un naturaliste célèbre. Né en 1769 à Montbéliard, il mène de brillantes études au sein de l’université Caroline de Stuttgart. Pour subvenir à ses besoins, il accepte un emploi de précepteur en Normandie. Mettant à profit de nombreuses heures de liberté, il se passionne pour la description des organismes marins ; la lecture de l’Histoire des Animaux d’Aristote le conduit dès l’âge de 19 ans à élaborer le projet d’une nouvelle et ambitieuse histoire naturelle. Il décide de s’inspirer des méthodes de Lavoisier pour réformer la zoologie et en faire « une science nouvelle, qui ait ses combinaisons et ses affinités comme la chimie ».

Fort d’une excellente réputation, Cuvier arrive à Paris en mars 1795. Dans l’année, il sera nommé suppléant du professeur d’anatomie des animaux au Muséum, et membre de la section d’anatomie et de zoologie de l’Académie des sciences.

L’utilisation par Cuvier des principes de l’anatomie comparée lui permit d’étudier les restes de vertébrés disparus avec des résultats spectaculaires. Il montra que les dents des mammouths de Sibérie appartiennent à une espèce inconnue aujourd’hui sur la terre et donc à une espèce éteinte. De même il exposa que les animaux trouvés dans les couches de gypse exploitées sous la butte Montmartre à Paris sont ceux de mammifères ressemblant à des tapirs, mais qui n’existent plus aujourd’hui. Il montra encore l’existence dans le passé de vertébrés encore inconnus jusqu’alors, de reptiles volants, avec la description du désormais célèbre ptérodactyle.

Avec Alexandre Brongniart, Cuvier se lance à partir de 1808 dans la Description géologique du bassin de Paris ; leurs travaux marquent le début de la géohistoire. Les fossiles sont utilisés pour différencier les couches les unes des autres. L’alternance de dépôts d’eau douce et de dépôts marins et le remplacement d’une faune par une autre permettent à Cuvier d’avancer l’idée qu’il y a eu dans le passé une série de révolutions, d’événements catastrophiques qui ont anéanti les faunes existantes.

Tous ces travaux furent publiés dans les Annales du Muséum de 1804 à 1810, puis rassemblés en 1812 dans quatre volumes intitulés : Recherches sur les ossemens fossiles de Quadrupèdes où l’on rétablit les caractères de plusieurs espèces d’animaux que les révolutions du globe paroissent avoir détruites. Cuvier y ajoutera un Discours préliminaire qui deviendra en 1825 le Discours sur les révolutions de la surface du globe.

Cuvier a parfaitement exposé le but de ses recherches : « Antiquaire d’une espèce nouvelle, il m’a fallu apprendre à déchiffrer et à restaurer ces monumens, à reconnoître et à rapprocher dans leur ordre primitif les fragmens épars et mutilés dont ils se composent ; à reconstruire les êtres antiques auxquels ces fragmens appartenoient ; à les reproduire avec leurs proportions et leurs caractères ; à les comparer enfin à ceux qui vivent aujourd’hui à la surface du globe ».

Cuvier aura par sa science et son génie franchi les limites du temps. Il a su retrouver la succession d’événements qui ont précédé la naissance du genre humain.

 

Philippe Taquet
professeur émérite au Muséum national d’Histoire naturelle
vice-président de l’Académie des sciences

Source: Commemorations Collection 2012

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