Page d'histoire : Luis Mariano Irun (Espagne), 13 août 1914 - Paris, 13 juillet 1970

Irun 1914. Naissance de Mariano Eusebio Gonzales y Garcia. L’enfance du bambin s’écoule entouré d’une mère aimante – quoiqu’abusive – et d’un père mécanicien qui tente de faire survivre sa famille, entre Irun et Bordeaux, avant que d’être chassés vers la France par la guerre civile espagnole. Très jeune, la future vedette développe un don pour le dessin et pour le chant – un don qui force l’admiration, et le pousse à rejoindre Paris pour y tenter une carrière, au début de la Seconde Guerre mondiale.

Bel homme, charmant et charmeur, séduisant et drôle, il a tôt fait, avec l’aide de son Pygmalion Jeanne Lagiscarde qui l’a « découvert » à Bordeaux, de décrocher un rôle dans L’Escalier sans fin, aux côtés de Pierre Fresnay en 1943. Il n’y paraît qu’une minute – le « chanteur espagnol » –, mais ce n’est là qu’une des prémices des succès à venir. Il est bientôt remarqué par Saint-Granier qui lui offre son aide. À la Libération, Mariano est affiché à l’Alhambra et à l’ABC – il y fait découvrir les premiers titres latinos venus d’outre-Atlantique, Amor et Besame mucho.

Disques, succès – et une cohorte d’admiratrices pâmées, qui voient en lui l’homme parfait et le gendre idéal, à l’opposé de tant de mâles croisés pendant l’Occupation. La rencontre avec Francis Lopez est décisive – ce Basque doit faire jouer une opérette sur la scène du Casino Montparnasse, commandée en bouche-trou de programmation. Mariano est de l’aventure ; la création et la carrière triomphale de La Belle de Cadix en décembre 1945 consacrent le chanteur comme le compositeur. Dès lors, le tandem ne se quitte plus, et la « Marianite » contamine le public. Un fan-club Mariano est constitué sous la houlette du magazine Cinémonde : il totalise 800 000 membres et sympathisants en 1955. Mariano enchaîne succès à la scène comme au cinéma, parmi lesquels Andalousie (1947), Je n’aime que toi et Pas de week-end pour notre amour (1949), Le Chanteur de Mexico (1951), Violettes impériales (1952), Le Tzarevitch (1954), Quatre Jours à Paris (1955), Le Secret de Marco Polo (1959), Un Visa pour l’amour (1961), Le Prince de Madrid (1967)…

Ces divertissements musicaux cristallisent les fantasmes de la France de l’immédiat après-guerre, où l’Espagne est un exotisme accessible, une contrée à la fois si lointaine et si proche, à la portée des bénéficiaires des congés payés. Obsolète et moribonde à l’aube des années 70, l’opérette « Mariano » meurt avec son modèle, qui décède prématurément d’une hépatite virale mal soignée le 13 juillet 1970.

Christophe Mirambeau
auteur, historien du théâtre musical

Source: Commemorations Collection 2014

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