Page d'histoire : Bataille de Muret 1213

Bataille de Muret (1213). Grandes Chroniques de France de Charles V.
Ms. fr., vers 1375-1380, fol. 252 vo © Bibliothèque nationale de France
 

Le jeudi 12 septembre 1213, sur la plaine de Muret, à quelque vingt-cinq kilomètres de Toulouse, une bataille s’engage. Elle oppose les participants à la croisade albigeoise, pour la plupart originaires du Nord de la France, à une coalition hétéroclite de princes, chevaliers et milices communales de Languedoc, Catalogne et Aragon. À la tête des croisés, Simon de Montfort jouit d’une expérience militaire hors pair.

Depuis 1209, il combat en Occitanie, où il a confisqué la vicomté de Carcassonne, Béziers et Albi. Cette principauté est de longue date du ressort féodal du comte de Barcelone. Pour la détenir, Simon a dû rendre, du bout des lèvres, l’hommage à Pierre II d’Aragon. C’est précisément son seigneur féodal qui mène la coalition adverse. Il arrive de Catalogne avec une troupe d’un millier de chevaliers. L’année précédente, il a contribué à la victoire décisive de las Navas de Tolosa sur les Almohades du Sud de la péninsule Ibérique. Auréolé d’un tel prestige, il obtient qu’Innocent III œuvre pour une trêve dans la croisade albigeoise. Les pourparlers échouent cependant. Les évêques récemment nommés dans les diocèses méridionaux tiennent à poursuivre le combat contre les hérétiques et contre les princes qui les protègent ou qui, du moins, les tolèrent. L’été 1213, les hostilités entre les croisés et les sires occitans reprennent.

Beau-frère de Raimond VI de Toulouse et seigneur éminent de Carcassonne, Pierre II entend appuyer les princes occitans. Depuis janvier 1213, il a reçu le serment de fidélité de la plupart d’entre eux : comte de Toulouse, comte de Foix, comte de Comminges, vicomte de Béarn… La ville de Toulouse lui fait également allégeance. Ce sont les guerriers de cette vaste coalition qui se retrouvent sur la plaine de Muret. En face, les hommes de Simon de Montfort sont sûrs de leur droit. Jouissant du statut du croisé, ils profitent des mêmes bienfaits spirituels et des mêmes privilèges juridiques que ceux qui combattent en Terre sainte. « Chevaliers et serviteurs du Christ », ils défendent l’orthodoxie face au catharisme qu’ils disent corrompre la religion, semant partout la discorde. Outre leur moral d’acier, conforté par la promesse du paradis en cas de mort, ils présentent une organisation et une cohésion qui font terriblement défaut chez leurs adversaires. Pierre II ne parvient pas, en effet, à imposer un ordre de bataille aux siens, et il doit laisser le comte de Toulouse, rétif à l’engagement, à l’arrière-garde. Fier et chevaleresque, il s’expose trop dans la mêlée. Ses ennemis l’abattent. La panique se répand parmi les siens. Le tout finit par la débandade de ses chevaliers, pourtant supérieurs en nombre aux croisés, et le massacre des fantassins de la milice de Toulouse.

La victoire permet à Simon de Montfort de conquérir l’essentiel du Languedoc. En dépit d’un sursaut du comte de Toulouse, la royauté française impose définitivement son pouvoir dans la région en 1229. Jacques Ier, nouveau comte de Barcelone, ne s’opposera plus à la constitution territoriale du royaume de France. Considérant la mort tragique de son père, la puissance de Louis IX, la position de l’Église et les intérêts de l’aristocratie catalano-aragonaise, il préfère conquérir les royaumes musulmans des Baléares et de Valence. La bataille de Muret prépare de façon décisive la France telle que nous la connaissons aujourd’hui.

 

Martin Aurell
professeur d’histoire médiévale à l’université de Poitiers
Institut universitaire de France

Source: Commemorations Collection 2013

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