Page d'histoire : Transfert des cendres d'Emile Zola au Panthéon 4 juin 1908

C’est sous un soleil éclatant, le matin du 4 juin 1908, que s’ouvre la cérémonie officielle qui doit consacrer la Panthéonisation d’Émile Zola. Le cercueil de l’écrivain repose dans la nef centrale du monument, juché sur une immense pyramide. Armand Fallières, le Président de la République, est présent, aux côtés de Georges Clemenceau, le chef du gouvernement. On joue La Marseillaise puis le prélude du Messidor d’Alfred Bruneau et la Marche funèbre de Beethoven avant que le ministre de l’Instruction publique, Gaston Doumergue – l’unique orateur prévu – n’exalte l’héroïsme de l’auteur de « J’accuse ».

La cérémonie est sur le point de s’achever lorsque retentissent deux  coups de feu : ils ont été tirés sur Alfred Dreyfus qui, heureusement, n’est que légèrement blessé. L’auteur de l’attentat, immédiatement appréhendé, est un journaliste du nom de Grégori qui se présente comme un « fervent patriote » et déclare n’avoir pu supporter l’humiliation infligée à l’armée française. Son geste fait écho aux cris des manifestants nationalistes qui, au même moment, entourent le Panthéon et, depuis la veille, tentent par tous les moyens d’empêcher la cérémonie.

L’affaire Dreyfus se rejoue une dernière fois, en cette matinée de juin  1908. En honorant la mémoire de Zola, le gouvernement dirigé par Clemenceau a voulu rendre hommage à l’un des grands acteurs du combat dreyfusard et achever l’oeuvre de réhabilitation commencée en juillet 1906 avec l’annulation par la Cour de cassation de la condamnation d’Alfred Dreyfus. Mais cette décision est considérée comme une provocation par les représentants du parti nationaliste, qui crient au scandale et dénoncent l’honneur rendu à Zola « l’italien », le « pornographe », le romancier « sans patrie »... Trois mois plus tard, en septembre, le procès de Grégori devant la cour d’assises de la Seine leur fournira l’occasion de poursuivre leur campagne de presse et le jury, influencé par leur discours « patriotique », prononcera une sentence d’acquittement.

La Panthéonisation de juin 1908 s’accompagne ainsi d’une reprise du  combat dreyfusard. Dix ans après le coup d’éclat de L’Aurore, les tensions demeurent aussi vives. L’auteur de Germinal est loin de faire l’unanimité. Et pourtant son oeuvre tout entière éclaire la signification de son engagement : comme le souligne la péroraison de « J’accuse », cette oeuvre n’a jamais été animée que par une seule « passion » – « celle de la lumière, au nom de l’humanité qui a tant souffert et a droit au bonheur ».

Alain Pagès
professeur à l’université de Paris III - Sorbonne Nouvelle

Source: Commemorations Collection 2008

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