Page d'histoire : François Mansart Paris, 23 janvier 1598 - Paris, 23 septembre 1666

Veüe du Chateau de Maison du côste de l’entrée,
estampe de Pérelle (famille), 2de moitié du XVIIe siècle,
Maisons-Laffitte, domaine national du château de Maisons.
© Philippe Berthé / Centre des monuments nationaux

François Mansart a une gloire paradoxale : son nom est connu de tous, puisque en dérive un nom commun, la « mansarde », mais les historiens ont montré qu’il n’en est pas l’inventeur, contrairement à la légende née dès son époque. En outre, lorsqu’on parle de « Mansart », il s’agit souvent plutôt de Jules Hardouin, l’architecte de Louis XIV, qui pour faire carrière prit le nom de son grand-oncle.

Si ce dernier, « Monsieur Mansart », a conduit une extraordinaire carrière d’architecte-courtisan, François Mansart présente une oeuvre plus sophistiquée, qui a souffert de multiples destructions. Artiste plutôt que maçon, même s’il maîtrise la construction des voûtes les plus savantes, il entretient avec ses dessins un rapport affectif passionné, comme son contemporain Borromini. Au XVIIIe siècle, l’influent professeur d’architecture Jacques François Blondel donne ses oeuvres en modèle, emmenant chaque année ses élèves au château de Maisons, qui faillit disparaître en 1905.

Son milieu familial (deux grands-pères maîtres maçons, un père charpentier, un oncle maçon, un autre sculpteur) joue un rôle essentiel dans sa formation, qui l’entraîne à Toulouse, où il peut voir un extraordinaire escalier du XVIe siècle à volées suspendues, formule qu’il introduit à Paris (le seul qui subsiste se voit à l’hôtel Guénégaud de Brosse, aujourd’hui musée de la Chasse et de la Nature). À son retour, les derniers chefs-d’oeuvre de Salomon de Brosse, la façade de Saint-Gervais et le palais du Luxembourg, lui montrent la voie de la grande architecture classique.

À vingt-cinq ans, en 1623, l’année où Richelieu devient principal ministre de Louis XIII, le jeune Mansart donne le dessin de la façade de l’église des Feuillants (détruite), rue Saint-Honoré, où il copie littéralement les deux ordres supérieurs de Saint-Gervais, et rebâtit le château de Berny (détruit), au sud de Paris. Dans les années qui suivent, il bâtit une série de châteaux : ne subsiste que celui de Balleroy (1631-1637), près de Caen. Il y expérimente un type d’ordonnance récurrent dans sa création : orchestration spectaculaire des abords ; plate-forme fossoyée à angles saillants (souvenir des tours médiévales aux angles), bordée de terrasses basses (rappel discret des ailes entourant les cours) ; volumes contrastés pyramidant vers le centre (contrairement au Luxembourg, où selon l’usage antérieur les pavillons latéraux sont plus hauts que le corps central) ; hauts combles ardoisés selon la tradition gothique, mais recoupés par le haut en terrasse.

Pour Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, il entreprend de rebâtir le château de Blois (1635-1638) ; heureusement il n’élève que le corps principal, complétant la leçon d’architecture de la cour, des ailes Louis XII et François Ier à celle-ci. Il s’inspire du Luxembourg, mais en corrige le dessin en inversant le rapport entre pavillons et avant-corps central, selon son principe des ordonnances pyramidantes ; il en redouble l’effet en disposant, sur un fond de pilastres lisses, des colonnes cannelées selon le même principe pyramidant : colonnades latérales basses et frontispice vertical au centre.

Ces expériences triomphent au château de Maisons, bâti en bord de Seine, sur la route du château royal de Saint-Germain-en-Laye, pour un richissime président au parlement de Paris, René de Longueil : au bout de longues allées et au fond de la plate-forme fossoyée à angles saillants et terrasses basses (disparues), s’élèvent, comme à Balleroy, les volumes pyramidants du corps de logis, sur lesquels joue une orchestration sophistiquée de pilastres lisses et de colonnes cannelées.

Outre de nombreux dessins d’hôtels (hôtel La Vrillière, dénaturé), Mansart donne les dessins de l’église des Visitandines, rue Saint-Antoine (aujourd’hui temple protestant), où une haute rotonde centrale, inspirée du Panthéon de Rome, est entourée de petites chapelles. Pour la reine Anne d’Autriche, il livre les plans de l’église du Val-de-Grâce, souvent donnée pour son chef d’oeuvre – autre malentendu –, alors qu’il est très vite déchargé et que le dessin des voûtes et de la coupole est complètement changé par Pierre Le Muet.

Lorsque, en 1664-1665, Louis XIV et Colbert cherchent un beau dessin pour achever le Louvre, Mansart est consulté, comme Bernin, mais il multiplie les propositions sans pouvoir s’arrêter à un dessin précis, emballement spectaculaire de l’invention graphique. Les mêmes années, il esquisse un mausolée pour les Bourbons derrière la basilique Saint-Denis, avec des coupoles emboîtées, que son petit-neveu Hardouin-Mansart mettra en oeuvre à l’église du dôme des Invalides.

Claude Mignot
professeur émérite à l’université de Paris-Sorbonne

Source: Commemorations Collection 2016

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