Page d'histoire : Henri-Alexandre Wallon Valenciennes, 23 décembre 1812 - Paris, 13 novembre 1904

Henri-Alexandre Wallon par Eugène-Léon Appert, avant 1904

Qui ignore l’« amendement Wallon », à l’origine, en 1875, de la IIIe République ? On sait moins qu’Henri Wallon, historien et universitaire chevronné, membre pendant 54 ans de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, en fut le secrétaire perpétuel durant plus de trente ans (1873-1904) – un record de longévité dans cette fonction.

Né en 1812 à Valenciennes, d’une famille modeste, Henri-Alexandre Wallon entre en 1831 à l’École normale supérieure où il est condisciple de Victor Duruy et Jules Simon. Agrégé d’histoire et licencié en droit, il soutient dès 1837 sa thèse de doctorat sur le droit d’asile, sa thèse complémentaire (en latin) portant sur la doctrine de l’immortalité de l’âme chez les Anciens. Puis il publie en 1838 une Géographie politique des temps modernes et en 1839 (en collaboration avec V. Duruy) une Géographie politique de la France depuis les temps les plus reculés jusqu’à la Révolution de 1789, deux ouvrages réédités en 1845. Chargé de cours d’histoire ancienne à l’E.N.S., il est élu professeur suppléant d’histoire moderne à la Sorbonne en 1846. L’année suivante, il publie son Histoire de l’esclavage dans l’antiquité (en 3 volumes), qui le fait connaître dans les milieux politiques. Aussi, en 1848, Victor Schoelcher le choisit-il comme secrétaire de la commission pour la suppression de l’esclavage ; lors des premières élections au suffrage universel, il est élu à la Guadeloupe comme suppléant pour l’Assemblée constituante. En 1849, il figure à l’Assemblée nationale sur la liste du parti modéré du Nord, mais il démissionne l’an suivant lors du vote de la loi apportant des restrictions au suffrage universel. En 1850 encore – il a 38 ans – il est élu à l’Académie des inscriptions et belles-lettres pour succéder à Quatremère de Quincy. Durant tout le Second Empire, il enseigne comme professeur d’histoire et de géographie à la faculté des lettres de Paris et publie nombre de livres divers sur les Évangiles, Jeanne d’Arc, l’histoire anglaise et les premières guerres d’Italie.

En 1871, il est élu par le département du Nord à l’Assemblée nationale, où il siège d’abord au centre droit, puis se rapproche du centre gauche lors des débats sur l’établissement des nouvelles lois constitutionnelles. Le 30 janvier 1875, à la suite d’une proposition d’Édouard de Laboulaye et du vote d’un article établissant une chambre haute, Henri Wallon présente un amendement ainsi rédigé : « Le président de la République est élu, à la pluralité des suffrages, par le Sénat et la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est élu pour sept ans. Il est rééligible ». Après un pointage minutieux, ce texte fut adopté par 353 voix contre 352. Le mot de « République », qui avait offusqué tant d’oreilles, entrait ainsi dans la loi, en quelque sorte de façon implicite, par une réelle habileté de procédure ; cet amendement, qui est à la base de la constitution du 25 février 1875, est à l’origine de la IIIe République.

Ministre de l’Instruction publique dans le premier cabinet républicain du maréchal de Mac Mahon (1875-1876), Henri Wallon fit partie, en décembre 1875, des 75 sénateurs inamovibles nommés à vie. Il siégea donc au Sénat -jusqu’à sa mort en 1904, accumulant charges et honneurs. Élu secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et belles-lettres le 24 janvier 1873, il fut entre autres de 1877 à 1887 doyen de la faculté des lettres de Paris (où, lors de son ministère, il avait fait créer une chaire d’archéologie classique). Resté fort alerte (en 1878, aux Petites-Dalles, il sauva des baigneurs en danger, ce qui lui valut la médaille de sauvetage) ; on le vit encore, lors de la célébration du centenaire de l’École normale en 1895, assister au bal jusqu’à une heure avancée. Durant sa si longue vieillesse, il continua, très studieusement, à produire articles ou ouvrages : une Histoire du tribunal révolutionnaire de Paris en 6 volumes, une étude en 5 tomes sur Les Représentants du peuple en mission. Catholique fervent, ce fondateur de la République a toujours soutenu les positions de l’Église lors de grands débats sur l’enseignement, le divorce ou le droit d’association.

 

Jean Leclant
secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et belles-lettres
président du Haut comité des célébrations nationales

Source: Commemorations Collection 2004

Liens