Page d'histoire : Jean Froissart Valenciennes, v. 1337 - Chimay, apr. 1404

Portrait de Froissart écrivant à sa table et saluant un grand seigneur qui vient lui rendre visite
manuscrit - Bibliothèque de l’Arsenal
© cliché Bibliothèque nationale de France

Jean Froissart n’est pas seulement l’auteur d’immenses Chroniques, qui couvrent la période 1325-1400, soit les origines et une grande partie de la guerre de Cent ans. Il a aussi laissé une œuvre poétique très remarquable et un long roman arthurien en vers, Méliador.

Né à Valenciennes, il quitte en 1361 le Hainaut pour l’Angleterre, où il est le protégé de sa compatriote la reine Philippa, épouse d’Édouard III. À sa mort (1368), il s’attire la protection de Wenceslas de Brabant, achève en 1373 la première rédaction du Livre I des Chroniques et obtient, grâce à Guy de Châtillon, une cure, puis un canonicat à Chimay. Son indépendance matérielle ainsi assurée, déjà célèbre, il voyage pour rassembler la documentation nécessaire à la poursuite des Chroniques. Leur récit, qui a désormais rattrapé l’actualité, devient celui de sa propre enquête dans le Livre III, relation de son voyage en Béarn et de son séjour à la cour de Gaston Phébus (1388-1389). Malgré l’accueil aimable du roi Richard II, un voyage en Angleterre en 1395 le laisse sur la déception de ne plus y retrouver le monde de sa jeunesse. Rentré en Hainaut, il refond entièrement la première partie du Livre I des Chroniques et écrit le Livre IV, qui s’interrompt assez brusquement sur les événements de l’année 1400.

Cité par Montaigne, lu pendant tout l’Ancien régime, Froissart a joui d’une faveur immense à l’époque romantique. Dans L’éducation sentimentale, Flaubert prête à Frédéric Moreau le projet d’écrire d’après lui un roman historique. Plus tard, on lui a reproché, outre des erreurs sur les faits, un manque de profondeur et une admiration dénuée de sens critique pour les fastes et les valeurs chevaleresques. Mais le dernier Livre et l’ultime récriture du premier montrent combien il a su pour finir percer les apparences. En outre, il écrit ses Chroniques comme un roman, car l’écriture romanesque est à son époque porteuse de sens. D’où une impression trompeuse de superficialité. D’où surtout le charme infini de cet écrivain prodigieux.

 

Michel Zink
membre de l’Institut
professeur au Collège de France

Source: Commemorations Collection 2004

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