Page d'histoire : Promulgation de la loi abolissant le divorce 8 mai 1816

À qui portera la culotte et commandera dans le ménage ?,
papier vergé avec décor au pochoir de Théophile Frédéric Deckherr
et Rodolphe Henri Deckherr (imprimeurs et éditeurs), entre 1813 et 1837,
Marseille, MuCEM (Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée).
© Photo RMN – Grand Palais (MuCEM) / Jean-Gilles Berizzi

Le caractère dissoluble du mariage civil, s’il fait aujourd’hui consensus, n’a pas toujours prévalu en droit français. Le divorce, qui en est la concrétisation, fut admis en droit romain puis franc, combattu par un cartulaire de Charlemagne de 789 et proscrit efficacement par le concile de Trente en 1563. L’Assemblée législative vota le 20 septembre 1792 sa réintroduction en même temps qu’elle acheva la sécularisation du mariage, instituée cinq ans plus tôt en faveur des protestants. Les causes de désunion acceptées par le droit révolutionnaire étaient particulièrement larges. Outre le consentement mutuel et des motifs déterminés (c’est-à-dire la faute), le décret permettait d’invoquer une « simple allégation d’incompatibilité d’humeur ou de caractère ». Le nombre des divorces explosa à Paris. La réforme, sous-tendue par l’idéal de liberté, provoqua des abus. Certains, tel le délaissement brutal d’épouses sans ressources, furent dénoncés au sein de la Convention dès le 18 mai 1795. C’est pourquoi le législateur de 1804 limita le divorce (dont le principe même ne fut maintenu qu’avec hésitation) aux seuls faute et consentement mutuel. Cette première restriction fut bientôt prolongée sous la Restauration, avec l’arrivée au pouvoir du parti des ultras.

Parmi ceux-là, le vicomte Louis de Bonald avait dès 1801 affiché une forte hostilité au divorce dans un ouvrage critique commandé par Portalis, académicien comme lui. Il estimait que la famille constitue la société originelle, modèle de toutes les autres, et dont la projection parfaite serait celle d’une union indissoluble. Il fut l’ouvrier d’une réforme cherchant davantage à soutenir le mariage qu’à encadrer le divorce et qu’il n’eut aucun mal à porter après la proclamation par la Charte de 1814 du catholicisme comme religion d’État. Votée par deux cent vingt-cinq députés contre onze, la loi du 8 mai 1816 ne comportait que trois articles. Le premier affirmait sans excès de formule que « le divorce est aboli ». Désormais, les époux ne pourraient plus avoir recours qu’aux nullités du mariage et à la séparation de corps, rétablie en 1804 et accessible en cas d’« injure grave ». Les procédures de divorce en cours furent ipso jure dirigées vers une telle séparation de corps.

Cette loi de 1816 correspond à la dernière abolition du divorce en droit français. Elle suscita peu d’opposition et ses effets durèrent soixante-huit ans. C’est la réforme du 27 juillet 1884, conduite par Alfred Naquet, qui imposera définitivement le principe du divorce, modifié par la suite dans ses seules modalités par les textes importants de 1941, 1975 et 2004.

Benoît de Boysson
docteur en droit
chercheur au Centre de droit de la famille
(université Lyon III – Jean Moulin)
avocat

Source: Commemorations Collection 2016

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