Page d'histoire : Victor Baltard Paris, 19 juin 1805 - Paris, 13 janvier 1874

L’église Saint-Augustin
photographie des frères Séeberger, av. 1910
Médiathèque de l’architecture et du patrimoine
Archives photographiques
© CMN

Fils d’un des architectes les plus réputés de la génération néo-classique, Victor Baltard entre à l’École des Beaux-Arts de Paris en 1824 pour en sortir dix ans plus tard, en 1833, titulaire du prix de Rome. Cet « admirateur passionné de l’œuvre très classique d’Ingres » (selon le jugement du baron Haussmann) était d’abord un homme de savoir et de culture. Peintre et architecte, il ramènera de son long séjour en Italie une vision unitaire du rapport entre l’architecture, le décor et les arts majeurs : en témoignent ses études sur la décoration des Loges de Raphaël (Salon de 1844), ainsi que l’abondante monographie qu’il a consacrée à la Villa Médicis (1847).

Entré à la ville de Paris dès 1842, il prend sept ans plus tard la succession d’Étienne-Hippolyte Godde (1781-1869) au poste enviable d’architecte de la ville de Paris, chargé des églises.C’est à ce titre qu’il engage la même année le spectaculaire programme de décoration polychrome de l’ancienne abbatiale Saint-Germain-des-Prés, dont il confie l’abondant volet pictural à l’un des meilleurs élèves d’Ingres, Hippolyte Flandrin (1809-1864). Puis il effectue la transformation du chevet de Saint-Leu/Saint-Gilles (1858) à l’occasion du percement du boulevard de Sébastopol, ainsi que la restauration de Saint-Eustache (à partir de 1859) après l’incendie qui en avait détruit les couron-nements ; il interviendra également à Saint-Séverin et à Saint-Étienne-du-Mont.

Ce décorateur virtuose, proche des peintres et des ornemanistes avec lesquels il travaille au quotidien, est aussi l’artisan de la fête impériale : mariage de l’Empereur (1853), visite de la reine Victoria (1855) (1), baptême du Prince impérial ou retour des troupes de Crimée (1856). De l’architecture, il est passé aux arts décoratifs en dessinant l’illustre berceau en forme de nef offert à l’héritier par la ville de Paris (musée Carnavalet) ou le surtout de table destiné au préfet de la Seine.

Pourtant, sa carrière avait déjà pris un autre tour lorsqu’il avait été chargé, à partir de 1844, de dessiner les pavillons des Halles – en collaboration avec Félix Callet (1792-1854). Au terme de longs débats qui voient s’opposer les projets sur ce site majeur de la capitale, c’est la construction en fonte (1853) des célèbres « parapluies » de Baltard qui s’impose comme le modèle d’une architecture moderne faisant appel aux produits de l’industrie : brique, verre, fonte et acier. L’élégance de la structure aérienne, raidie par des tirants d’acier, a fait le tour du monde en générant une famille d’édifices que la disparition absurde des Halles de Paris (2) n’a pu que valoriser – au moins, dans notre imaginaire.

L’église Saint-Augustin (1862-1871), ornement d’un des quartiers les plus luxueux de la capitale, allait permettre à l’architecte de fusionner ces deux approches en démontrant tout à la fois ce sens inimitable de la légèreté de la structure qui lui appartient en propre et le goût si savant de sa génération pour un décor peint et sculpté, épuré par le travail exigeant du contrôle de la forme. Austère et monumentale, traversée de lumières crues et d’ombres fortes quand elle n’est pas métamorphosée par la scénographie du mobilier ou de l’éclairage artificiel durant les cérémonies, elle est l’une des plus grandes réussites de l’art du Second Empire.

Nommé en 1859 directeur du Service d’architecture de la ville de Paris, à la tête d’une équipe de vingt-cinq prix de Rome, Baltard atteint la consécration que reflètera son élection, quatre ans plus tard, à l’Institut. Cet homme qui avait si bien, et de manière si exigeante, exprimé l’art du Second Empire ne lui survivra guère. De son œuvre essentiellement parisienne de décorateur et d’architecte, il nous reste quelques intérieurs d’église et un vaste monument, ainsi que les débris des pavillons de fer remontés à Nogent. Il s’y révèle le contemporain talentueux d’un Duban ou d’un Labrouste, mais aussi le rival d’un Viollet-le-Duc – avec lequel il partage, beaucoup plus qu’il n’y paraît, toute une vision de l’art et de l’architecture moderne.

François Loyer
conservateur général du patrimoine
secrétaire général de la Commission du Vieux Paris

1. Voir la notice du professeur Jean Garrigues, p. 35-36.
2. Détruites en 1971

Source: Commemorations Collection 2005

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