Page d'histoire : Création de la Monnaie de Paris 864

Denier de Charles le Chauve (avers), Paris
édit de Pierre 864
© Monnaie de Paris
 

La Monnaie de Paris
© Patrick Tourneboeuf - Monnaie de Paris

 

Des dix « usines » monétaires instaurées par Charles le Chauve en 864 (édit de Pîtres), seule subsiste celle de Paris. Même si l’atelier a connu au cours de l’histoire plusieurs sites d’implantation, cette pérennité illustre l’instrument régalien qu’est la monnaie.

La frappe au marteau des ateliers médiévaux connaît au milieu du XVIe siècle un bouleversement essentiel : pour lutter contre les atteintes à l’intégrité du monnayage royal, Henri II acquiert auprès d’un technicien allemand « des engins » mécaniques (laminoir, découpoir, balancier), aptes à fabriquer des monnaies de qualité difficiles à falsifier, qui peuvent rivaliser avec les monnaies internationales, ducat et thaler. D’abord installé à la pointe de l’île de la Cité, puis déplacé au Louvre, l’atelier se voue à la seule fabrication des médailles et des monnaies de cuivre, en raison de l’hostilité de la Cour des Monnaies qui y voit une menace contre ses privilèges.   

Au début des années 1640, les difficultés économiques et les entrées de monnaies étrangères minent la souveraineté monétaire française. Aussi Louis XIII et Richelieu mettent-ils en œuvre une réforme drastique. À cette fin, ils appellent un graveur de talent, excellent « mécanicien », Jean Warin qui impose à l’atelier parisien la frappe mécanique, seule capable de fournir rapidement la masse monétaire susceptible de renouveler le système monétaire français.

Sur la rive droite, au débouché du pont Neuf, l’atelier monétaire se révèle finalement malcommode. Sous Louis XV, des projets sont lancés pour le réimplanter et lui donner une visibilité digne du pouvoir. En 1770, le choix s’arrête sur l’emplacement de l’ancien hôtel de Conti en bord de Seine, rive gauche. Symboliquement, la façade de ce futur hôtel monétaire répondra à celle du palais du Louvre. Au temps des Lumières, et de la glorification des métiers défendue par Madame de Genlis, l’architecte Jacques Denis Antoine place au cœur de l’usine monétaire la grande salle du monnayage que desservent, pour alimenter la production, les ateliers de service. La façade résidentielle, elle, exprime le pouvoir ; elle est monumentale et accueille appartements de fonction et institutions savantes exemplaires, tels les premiers pas de l’École des Mines et les expériences professées par Balthazar Sage. Sous Napoléon, la modernisation de l’outil de production s’effectue grâce à des mécaniciens de talent (Droz, Gengembre), puis l’absorption de l’ancienne Monnaie des Médailles libère de la place pour le grand projet napoléonien de Musée du Louvre. La Monnaie de Paris prend alors le train de la première révolution industrielle et s’équipe sous Louis-Philippe de presses à la vapeur avant de passer à l’électricité. Dans la main directe de l’État, la Monnaie de Paris rend peu à peu inutile la présence ailleurs d’autres ateliers, dont le dernier, Bordeaux, est fermé en 1878.

À l’époque contemporaine, en raison de la politique industrielle de la ville, la Monnaie de Paris décentralise en 1973 à Pessac, près de Bordeaux, la fabrication monétaire, mais maintient sur son site historique ses organes de direction, de gestion et ses activités d’art héritées de l’époque napoléonienne. Ainsi, illustre-t-elle la devise Fluctuat nec mergitur.

 

Jean-Luc Desnier
chargé des collections du musée de la Monnaie

Source: Commemorations Collection 2014

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