Page d'histoire : Élisabeth-Louise Vigée-Le Brun Paris, 16 avril 1755 - Paris, 30 mars 1842

Yolande-Gabrielle-Martine de Polastron, duchesse de Polignac, portrait « au chapeau de toile »
huile sur toile d’Élisabeth-Louise Vigée-Lebrun - 1782
châteaux de Versailles et de Trianon
© RMN / Gérard Blot
« La duchesse de Polignac joignait à sa beauté, vraiment ravissante, une douceur d’ange, l’esprit à la fois le plus attrayant et le plus solide… elle était vraiment l’amie de la reine ; elle dut à ce titre celui de gouvernante des enfants de France… Tant que vous travaillez à la tête d’une femme, si elle est vêtue de blanc, mettez sur elle une couleur absente, c’est-à-dire grise ou verdâtre, afin de ne pas distraire les rayons visuels… ; si l’on doit peindre une gorge, éclairez-la de façon qu’elle reçoive bien la lumière. » (É. Vigée-Lebrun).

« Il faut placer son modèle assis, plus haut que soi…, s’éloigner de son modèle… ; pour faire le portrait d’un homme, surtout s’il est jeune, il faut le faire tenir un instant debout…, il faut avoir derrière soi une glace, placée de manière à apercevoir son modèle et son portrait… Ne vous rebutez pas si quelques personnes ne trouvent aucune ressemblance à vos portraits ; il y a un grand nombre de gens qui ne savent point voir… Pour peindre la tête… il faut empâter les lumières ; entre les lumières et les demi-teintes, il y a un ton mixte qu’il ne faut pas omettre, il participe du violâtre, du verdâtre, du bleuâtre. Voyez Van Dyck …Voyez les têtes de Greuze, et observez bien l’habitude des cheveux du modèle que vous peignez, cela ajoute à la ressemblance et à la vérité. Il faut bien observer les passages des cheveux qui se verront avec la chair, afin de les rendre aussi vrais que possible ; qu’il n’y ait jamais de dureté, et que les cheveux se mêlent bien avec la chair, tant par le contour que par la couleur, afin que cela n’ait point l’air d’une perruque, ce qui arriverait immanquablement si l’on ne faisait pas ce que je viens d’expliquer. »

Huit pages sur sept cent cinquante ! Les Conseils pour la peinture du portrait donnés par Élisabeth Vigée-Le Brun à la fin de ses immenses Souvenirs relatant sa vie année par année et publiés en 1835, prouvent que le peintre officiel de Marie-Antoinette, et de quasiment toutes les dames de la Cour, ne prenait pas son métier à la légère.

Élève de son père Louis Vigée, pastelliste et membre de l’Académie de Saint-Luc, amie de Joseph Vernet et admiratrice de Greuze, elle épousa le grand marchand de tableaux Le Brun. Reçue à l’Académie en 1783, sur un sujet courant, La Paix ramenant l’Abondance (Louvre), elle se spécialisa très tôt dans le portrait. Elle fixa sur la toile hommes ou femmes, artistes ou princesses de l’Europe, car sa vie ne fut pas que d’un peintre d’atelier. Elle se réfugia en Italie, à Vienne et à Saint-Pétersbourg pendant la Révolution (1789-1802) puis, semblant avoir pris goût aux voyages, rencontra B. West en Angleterre, visita la Hollande et la Suisse.

Élisabeth Vigée-Le Brun se constitua ainsi une très solide culture tant académique que moderne. Ses Autoportraits conservés au Louvre, au musée des Offices, à l’Académie de Saint-Luc à Rome montrent toute la finesse de ses analyses psychologiques, tandis que la trentaine d’effigies de Marie-Antoinette témoignent d’une science immense dans le traitement de la lumière sur les carnations elles-mêmes fort savantes, et les tissus dont elle rend toute la somptuosité. Merveilleux praticien, elle sut aussi réinventer, dans le genre sensible, l’art du portrait à l’aube du romantisme.

Claire Constans
conservateur général du patrimoine
chargé des peintures
Château de Versailles

Source: Commemorations Collection 2005

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