Page d'histoire : Jean Calvin Noyon, 10 juillet 1509 - Genève, 27 mai 1564

Portrait de Jean Calvin, 1650
eau-forte de Cornelis Visscher (vers 1619 ?-1662)
Noyon, musée du Noyonnais, inv. 853
© musée du Noyonnais/B. Findinier

Né à Noyon en 1509, Jean Calvin (nom tiré de la forme latine Calvinus, qui transcrit le français Cauvin) est une figure majeure de la seconde génération (qui succède à celle de Martin Luther) de la Réforme protestante du XVIe siècle.

Ce Picard, issu d’une famille en voie d’ascension sociale, poursuivit ses études à Paris à partir d’une date incertaine (environ 1520-1523). Destiné initialement à l’état ecclésiastique, Calvin fut placé au collège de Montaigu, où il se prépara aux grades de la Faculté des arts, mais il n’entama pas ensuite d’études de théologie. Il commença en effet, à partir de 1527 (ou de 1525-1526) un cursus de droit à Orléans et à Bourges et s’initia aux méthodes de la philologie humaniste sous l’influence indirecte de Guillaume Budé. Il publia en 1532 un commentaire latin du traité De clementia de Sénèque, qui traite de cette vertu royale dans le contexte de l’affirmation de la monarchie absolue.

Sa « conversion » à l’évangélisme militant date de 1533-1534. Les motifs déterminants de cette orientation semblent être le choc provoqué par les persécutions exercées en France contre les évangéliques (issus de l’humanisme chrétien comme de la Réforme luthérienne), la découverte de nouvelles méthodes (dans le sillage d’un Jacques Lefèvre d’Étaples et d’un Érasme) d’interpréter la Bible, et les réflexions inspirées par les œuvres des Pères de l’Église éditées par Érasme. Calvin fit alors le choix d’une réforme radicale de l’Église et d’une rupture avec les formes traditionnelles du christianisme occidental. Au nom d’un Évangile libérateur, conçu, à la manière de Luther, comme le message opposant de manière inconditionnelle la grâce d’un Dieu de miséricorde aux efforts impuissants et vains de l’homme pour se justifier lui-même, Calvin se lança alors dans une reformulation de la vision chrétienne du monde, qu’il synthétisa dans la première version de l’Institution de la religion chrétienne, publiée en latin à Bâle (Christianae religionis institutio) en 1536.

Les nombreux déplacements de cet exilé le conduisirent la même année à Genève, où il fut retenu par Guillaume Farel pour prendre en main la réforme locale, appuyée par les autorités civiles. Suite à un désaccord avec celles-ci, il s’installa à Strasbourg de 1538 à 1541. Il y compléta sa culture théologique au contact du réformateur local, Martin Bucer. Rappelé à Genève, il y resta jusqu’à la fin de sa vie, sauf quelques voyages, sans revoir la France. Genève l’avait choisi pour ses compétences exceptionnelles, dans le but de doter la cité des structures (église, école, institutions de charité, création de la future université, etc.) et des valeurs dont elle avait besoin pour affirmer son indépendance politique, toute récente. Calvin accepta cette mission en y discernant une vocation divine, et afin de faire de Genève, placée aux portes de la France, une place forte de la propagande protestante. Ses fonctions locales de prédicateur placé à la tête de la compagnie des pasteurs ne lui donnaient pas d’autre pouvoir que celui que le Magistrat voulait bien lui reconnaître. Mais l’autorité que lui valait sa supériorité intellectuelle, et la victoire en 1555-1556 d’un parti prenant appui sur les nombreux réfugiés d’origine française, lui permirent de mettre à peu près en pratique ses vues en matière de discipline ecclésiastique.

Français devenu genevois, Calvin étendit à l’ensemble de l’Europe ses vues et le prestige de sa parole (ou, inversement, l’animosité que celle-ci suscitait chez ses adversaires). Ses conceptions religieuses connurent une immense diffusion par divers canaux. Calvin a exploité de manière systématique l’art de l’imprimerie (sous le contrôle du Magistrat genevois) pour diffuser ses livres ou les ouvrages inspirés de ses conceptions (comme le Psautier huguenot, promis à une carrière internationale jusqu’à nos jours) ; ses impressions genevoises étaient vendues, souvent de manière clandestine, dans l’Europe entière en de multiples éditions. Les fréquents sermons de Calvin, ainsi que ses cours d’exégèse, attiraient un auditoire, abondant et souvent distingué, de nombreux pays. Par sa correspondance, il orientait les esprits qui se tournaient vers lui : communautés réformées en France ou en exil ; églises réformées cherchant à se structurer en Europe centrale ; dames et princes attirés par la Réforme ; réseau de personnalités ignorant les frontières politiques et soucieuses d’affermir la Réforme à une époque où celle-ci commençait à refluer ou bien à affronter ses propres dissidences. À cet égard, le calvinisme est moins un ensemble précis de doctrines qu’un réseau consciemment transnational, décidé à opposer à la Contre-réforme catholique un christianisme alternatif, assez structuré pour affronter la terrible lutte confessionnelle commencée dans les années 1540, assez souple pour s’adapter à des contextes aussi différents que l’Angleterre anglicane, la France et les Pays-Bas des guerres de Religion, ou les terres multiconfessionnelles d’Europe centrale.

Calvin, écrivain latin et français, est un des auteurs les plus remarquables de son siècle, par la clarté efficace de son style, imité par ses disciples et par ses adversaires. Traducteur de lui-même avec l’Institution française, dont la première version, celle de 1541, est, selon Gustave Lanson, « le plus grand monument de notre prose dans la première moitié du XVIe siècle », avec l’œuvre de Rabelais, il est aujourd’hui un des auteurs français les plus traduits dans le monde.
Considéré depuis le XIXe siècle comme un des fondateurs de la civilisation moderne, sa figure échappe désormais aux enjeux confessionnels.

Olivier Millet
professeur de littérature
université de Paris 12 – Val-de-Marne

Source: Commemorations Collection 2009

Liens