Page d'histoire : Charles René Forbes, comte de Montalembert Londres, 15 avril 1810 - Paris, 13 mars 1870

Gravure de Daumier
© Compiègne, musée national du château
 

Né à Londres d’un émigré qui fut diplomate et membre de la Chambre des pairs sous la Restauration, et d’une Écossaise fille du savant et écrivain James Forbes, Montalembert arrive en France en 1819. Encore étudiant, il veut « consacrer sa vie à la religion et à la liberté ». En novembre 1830, il entre dans la vie publique après sa rencontre avec l’abbé de La Mennais, fondateur de l’Avenir dont la devise est « Dieu et liberté » et qui demande « la liberté de conscience ou la liberté de religion », la liberté d’enseignement, la liberté de la presse, la liberté d’association, la liberté du suffrage, les libertés locales. Montalembert est associé à la création de l’« Agence générale pour la défense de la liberté religieuse » qui fonde en 1831 rue des Beaux-Arts une école où enseignent avec lui Charles de Coux, Lacordaire… voulant frapper l’opinion pour qu’une loi donne la liberté de l’enseignement annoncée par la Charte. La justice ferme l’école, les contrevenants sont traduits en correctionnelle. La mort du père de Montalembert fait entrer son fils à la Chambre des pairs, juridiction compétente pour le procès. Condamné à la peine minimum (100 francs) mais mis en cause par le gouvernement et des évêques, Montalembert, avec La Mennais et Lacordaire, se rend à Rome pour entendre l’« arrêt » du pape. Grégoire XVI les reçoit, mais le 15 août 1832 l’encyclique Mirari vos condamne la liberté de conscience et la liberté de la presse. Les rédacteurs de l’Avenir suspendent leur œuvre… En 1833, Montalembert, passionné par la cause de la Pologne, traduit le Livre des pèlerins polonais d’Adam Mickiewicz. Blâmé par le Saint-Siège, il entreprend une vie de sainte Élisabeth de Hongrie, fouillant pendant trois ans les dépôts d’archives et les bibliothèques d’Allemagne pour donner en 1836 un livre qui fait revivre le Moyen Âge chrétien.

Il fonde en 1844 le Comité électoral pour la défense de la liberté religieuse, avec l’intransigeant Louis Veuillot et le catholique libéral Alfred de Falloux et souhaite que les catholiques français s’organisent en un « parti catholique ». À la Chambre des pairs, il se consacre à la liberté de l’enseignement secondaire. Il est favorable à la loi du 15 mars 1850 qui accorde cette liberté (la loi de 1833 la limitait à l’enseignement primaire) et maintient l’Université, compromis refusé par les catholiques intransigeants.

Conservateur libéral, Montalembert appartient en 1848 au « parti de l’ordre » et se rallie au coup d’État de Louis-Napoléon. Mais il entre dans l’opposition dès janvier 1852, après la confiscation des biens de la famille d’Orléans. Dans Les intérêts catholiques au XIXe siècle (novembre 1852), il voit dans la liberté politique « un instrument de la rénovation catholique en Europe » et dit son amour pour « la liberté honnête et modérée… dont la disparition fait trop souvent dégénérer l’autorité en despotisme ». Battu aux élections de 1857 par le candidat officiel, condamné l’année suivante pour un article qui critique le régime impérial, il se consacre alors à l’histoire du Moyen Âge et donne en 1860 le premier tome de sa synthèse : Les Moines d’Occident. Lors de l’unité italienne, à la différence de Lacordaire, il défend la souveraineté temporelle du pape, garantie d’indépendance. Dans son discours de Malines au congrès des catholiques belges (1863), il dit deux exigences : « corriger la démocratie par la liberté, concilier le catholicisme avec la démocratie ». Il est critique des orientations de Pie IX.

Jean-Marie Mayeur
professeur émérite à l’université de Paris-Sorbonne

Source: Commemorations Collection 2010

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