Page d'histoire : Marcel Mauss Épinal, 10 mai 1872 - Paris, 1er février 1950

Marcel Mauss pendant la Première Guerre mondiale

Père de l'ethnographie française, Marcel Mauss a exercé une influence profonde sur les sciences sociales et humaines et a légué un héritage intellectuel d'une richesse inépuisable. Spontanément, on l'identifie à Émile Durkheim (1854-1917), son oncle maternel et son maître. Né dans une famille de négociants et de rabbins, Mauss, après une agrégation de philosophie (1895), s'oriente vers la sociologie religieuse et acquiert, à l'École pratique des hautes études, de solides connaissances en philologie, en histoire des religions et aussi en ethnologie.

Son premier grand travail, réalisé en collaboration avec Henri Hubert (1872-1927), porte sur " la nature et la fonction du sacrifice " (1899). L'essai paraît dans L'Année sociologique que Durkheim vient de fonder et dont Mauss est l'un des plus actifs collaborateurs. À l'EPHE, il est chargé, en 1901, de l'enseignement de “l'Histoire des religions des peuples non-civilisés". Les recherches qu'il entreprend ont pour objet les manifestations rituelles de la vie religieuse et pour objectif l'élaboration d'une théorie du sacré, mais s'élargissent bientôt pour toucher à la théorie de la connaissance. La Grande guerre, que Mauss, engagé volontaire, effectue comme interprète, emporte Durkheim, son fils André et plusieurs collaborateurs de L'Année sociologique. Après l'Armistice, Mauss prend la relève, relance la revue et, en collaboration avec Lucien Lévi-Bruhl et Paul Rivet, fonde en 1925 l'Institut d'ethnologie de Paris, autour duquel se constitue une véritable école qui organise, en Afrique surtout, les premières grandes expéditions ethnologiques. Il est élu en 1930 au Collège de France (chaire de sociologie).

Parmi ses écrits, le plus fameux est son Essai sur le don (1925). Marcel Mauss est un savant, mais c'est aussi un militant. Impliqué très tôt dans l'action politique, du côté des dreyfusards et des socialistes, il collabore au Mouvement social et participe à la mise sur pied de la Société nouvelle de librairie et d'édition. Une fois professeur, il poursuit ses activités au sein du mouvement coopératif et du parti socialiste et publie de nombreux articles dans l'Humanité, dont il est l'un des fondateurs. Après la guerre, il entreprend la rédaction d'un grand ouvrage sur la Nation et après avoir publié ses "Observations sur la violence" dans La Vie socialiste, élabore le plan d'un livre sur le bolchevisme.

La grande force de Mauss est sa capacité de s'adapter aux réalités nouvelles tout en demeurant fidèle à ses convictions (et à son ami Jaurès) : il critique le bolchevisme sans renier son adhésion au socialisme ; il s'intéresse à la question nationale tout en demeurant internationaliste ; enfin, comme d'autres pacifistes, il veut éviter la guerre, mais il est le premier à dénoncer le fascisme. Ses Écrits politiques comprennent de précieuses "appréciations" où se mêlent l'ardeur du savant et celle du militant.

Marcel Fournier
professeur titulaire du département de sociologie de l'université de Montréal

Source: Commemorations Collection 2000

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