Article : Rechercher un cahier de doléances de 1789

Cahier de doléances de la paroisse et communauté de Cherval (Dordogne)

Après une présentation des cahiers de doléances de 1789 dans leur contexte historique et leur contenu, l’objectif de cette fiche de recherche est de vous orienter vers les documents existants – originaux, numérisés, publiés – et de vous donner des pistes d’exploitation pédagogique ainsi qu’une orientation bibliographique.

Contexte historique

Remontant au XIVe siècle, les cahiers de doléances recueillent vœux, demandes et protestations adressés au roi ; ils sont rédigés dans le cadre des États généraux, assemblée des trois ordres du royaume – clergé, noblesse et Tiers État (le peuple) – convoquée par le gouvernement dans une période de difficultés. On peut citer les cahiers rédigés en 1483 pour les États généraux réunis sous Charles VIII à Tours, ceux de 1560 durant la minorité de Charles IX à Orléans ou ceux de 1614 sous Louis XIII à Paris (les derniers avant 1789).

Les plus célèbres cahiers de doléances sont ceux de 1789, rédigés pour les États généraux que Louis XVI décide de convoquer à Versailles pour le 1er mai 1789 afin de trouver une solution au déficit du pays. Les trois ordres se réunissent dans le cadre des circonscriptions judiciaires – appelées globalement bailliages au nord et sénéchaussées au sud –, pour rédiger leurs doléances et élire les députés qui les représenteront à l’assemblée. La France est découpée en plus de 400 bailliages électoraux en janvier 1789.

La rédaction des cahiers, effectuée essentiellement entre mars et avril 1789, s’opère différemment en fonction des ordres :

  • la noblesse et le clergé rédigent un cahier par bailliage ou sénéchaussée ;
  •  pour le Tiers État, la rédaction se fait en plusieurs temps lors des :
    • assemblées primaires : rédaction des cahiers particuliers par communautés (paroisses, corps de métiers, villes) et nomination de délégués pour l’assemblée au niveau du bailliage ou de la sénéchaussée ;
    • assemblées intermédiaires éventuelles : rédaction de synthèse des cahiers d’une ville par exemple (Brest) ;
    • assemblées au niveau des bailliages et des sénéchaussées : réunion des délégués qui rédigent une synthèse des cahiers particuliers et élisent les députés aux États généraux ; ceux-ci porteront les doléances au roi.

Que trouve-t-on dans les cahiers ?

Les cahiers sont un formidable révélateur de la société d’Ancien Régime à la veille de la Révolution, « le testament de l’ancienne société française, l’expression suprême de ses désirs, la manifestation authentique de ses volontés » (Tocqueville).

Les attentes et revendications peuvent être contradictoires entre les ordres et au sein même d’un ordre. Le peuple fait souvent appel aux notables pour la rédaction des cahiers, ce qui peut en « lisser » le contenu et laisser la parole au maître artisan plutôt qu’au compagnon, au laboureur plutôt qu’au manouvrier, et in fine, à la bourgeoisie au niveau des cahiers de bailliage. D’autre part, les revendications sont plus ou moins personnalisées, la rédaction des cahiers s’appuyant sur des modèles qui circulent. Aussi faut-il aborder le contenu des cahiers avec distanciation et savoir lire « entre les lignes ».

D’une façon générale, la monarchie n’est pas remise en cause et l’attachement « à notre bon Roy » est affirmé ; la monarchie absolue en revanche est critiquée et l’on réclame la tenue plus fréquente des États généraux ainsi que la création d’assemblées représentatives locales.

Dans les cahiers du Tiers État, la demande de réforme des impôts (gabelle, corvée, taille, capitation…) est unanime et l’égalité fiscale entre les ordres réclamée. Les doléances sociales portent sur la justice (simplification des procédures pour gagner en rapidité et en coût), la protection de la liberté individuelle, la critique de certains aspects du système féodal (droits féodaux, signes de supériorité de la noblesse). On y trouve des préoccupations très concrètes : problème d’étangs malsains, manque de pacage pour les animaux, demande d'unification des poids et mesure. La bourgeoisie quant à elle valorise la revendication politique et la question de l’égalité civile.

Les cahiers du clergé manifestent la volonté de voir le catholicisme demeurer religion d’État et restent majoritairement attachés au maintien des distinctions entre les ordres. Le bas clergé (curés) demande l’amélioration de ses conditions matérielles.

La noblesse se résigne, dans beaucoup de cahiers, à l’égalité fiscale, moyennant des réserves ; en revanche, elle insiste sur le maintien de ses prérogatives et signes de distinctions, entendant, dans la majorité des cas, demeurer le premier ordre de la nation. La liberté de la presse est demandée.

Quelles sont les sources ?

Les cahiers ayant été rédigés dans le cadre des bailliages, il faut savoir dans quel département actuel se trouve le bailliage dans lequel vous recherchez le cahier d’un village, d’une paroisse, d’une corporation.

1)    Sources originales

Les cahiers de doléances originaux sont manuscrits avec signatures autographes ; il existe également des copies manuscrites, réalisées à l'époque. D'une façon générale, les cahiers manuscrits sont conservés :

  • aux Archives nationales, en séries B (B/a et BIII) et C (C 14-25) : il s’agit des cahiers de synthèse de chaque ordre rédigés au niveau des bailliages ; ils sont classés par ordre alphabétique des bailliages ;
  • dans les Archives départementales, en séries B et C (on en trouve aussi dans les fonds des Archives municipales déposés et en série J), et dans certaines Archives municipales : il s’agit des cahiers rédigés au niveau des assemblées primaires ou intermédiaires ; la recherche s’effectue le plus souvent par ordre alphabétique de communes.

Des cahiers plus importants (relatifs au clergé, à la noblesse ou aux grandes villes) ont été aussitôt imprimés pour être diffusés ; ils l'ont été parfois à plusieurs milliers d'exemplaires et ont pu connaître deux, voire trois, éditions : on les trouve dans les services d’archives (exemple : Archives nationales) ou les bibliothèques patrimoniales (exemples : Bibliothèque nationale de France, Bibliothèque universitaire de Strasbourg).

60 000 cahiers environ sont conservés, avec parfois d’importantes lacunes dans les collections.

2)    Sources numérisées

Certains services d’archives, essentiellement départementaux, ont numérisé les cahiers de doléances de 1789. En voici une liste (non exhaustive) :

Archives départementales :

Ain

Aisne

Calvados

Cantal

Charente

Dordogne

Eure

Finistère, avec transcription

Gard

Loir-et-Cher

Haute-Loire

Loire-Atlantique avec transcription et commentaires

Maine-et-Loire

Morbihan

Pas-de-Calais

Hautes-Pyrénées

Saône-et-Loire

Yvelines

Deux-Sèvres

Val d'Oise

Archives municipales :

Angers : cahiers de doléances des corporations de la ville

3)    Sources publiées

Bien qu'il soit déjà ancien, on consultera avec fruit cet ouvrage qui donne une vision synthétique des cahiers de doléances conservés :

Répertoire critique des cahiers de doléances pour les États généraux de 1789, suivi du Supplément au "Répertoire critique des cahiers de doléances pour les États généraux de 1789" par Béatrice F. Hyslop, dans Collection de documents inédits sur l'histoire économique de la Révolution française, Paris, 1933 et 1952.
Ce répertoire liste, bailliage par bailliage et ordre par ordre, le lieu de conservation des cahiers - qu'ils soient manuscrits ou imprimés - en indiquant s'ils ont fait l'objet d'une publication ultérieure.

On pourra consulter également : BRETTE (Armand), Recueil de documents relatifs à la convocation des États généraux de 1789, Paris, 4 vol., 1894-1915 (en ligne).

De nombreuses publications des cahiers de doléances ont été réalisées à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, accompagnée d’une introduction et parfois d’un apparat critique. On distingue :

  • Les cahiers de synthèse, portés par les députés aux États généraux : ils ont été publiés pour toute la France dans Archives parlementaires de 1787 à 1860 : États généraux, Cahiers des sénéchaussées et bailliages, sous la direction de Jules Mavidal et Émile Laurent, Première série, t. I à VII, 1867-1879.
  • les cahiers de doléances des assemblées primaires et intermédiaires : ils ont fait l’objet de publications locales, qui couvrent un périmètre variable (ville, ancien bailliage, département). Citons :
    • En particulier les très nombreux cahiers qui ont été publiés dans la Collection de documents inédits sur l’histoire économique de la Révolution française (Gisors, Le Havre, Saint-Domingue…), dont certains sont numérisés (Nîmes, Cotentin, Lot…) : voir liste
    • en dehors de cette collection, beaucoup d'autres cahiers de doléances ont été publiés, notamment :

Ardennes : Les cahiers de doléances ardennais en 1789, par les Archives départementales des Ardennes, Charleville-Mézières, 1989.

Charente : Cahiers de doléances de la sénéchaussée d'Angoulême et du siège royal de Cognac pour les États généraux de 1789, par P. Boissonnade, Paris, 1907. En ligne

Maine-et-Loire : Cahiers de doléances et corporations de la ville d’Angers et des paroisses de la sénéchaussée, par André Le Moy, Angers, 2 volumes, 1915-1916.

Oise : Publication intégrale des cahiers de doléances, 5 volumes, 1996-2001;
Volume 1 : Bailliage de Clermont-en-Beauvaisis
Volume 2 : Bailliage de Beauvais
Volume 3 : Bailliage principal de Senlis et bailliages secondaires

Orne : Cahier de doléance du bailliage d'Exmes en 1789, par Jean-Claude Martin,... et Thérèse Gaillard, Alençon, 1992.

Hautes-Pyrénées : Cahiers de doléances de la sénéchaussée de Bigorre pour les États généraux de 1789, par Gaston Balencie, Tarbes, 1925-1926.

Deux-Sèvres : Cahier de doléances des sénéchaussées de Niort et de Saint-Maixent, et des communautés et corporations de Niort et Saint-Maixent pour les États généraux de 1789, par Léonce Cathelineau, Niort, 1912. En ligne

Pistes pédagogiques

Les cahiers de doléances peuvent faire l’objet d’exploitations multiples auprès des élèves : composition de la société d’Ancien Régime, organisation des métiers, système économique, religion, prémices de la citoyenneté, etc. Voici quelques exemples pris dans les Archives départementales.

1) Ateliers

Somme : « Les cahiers de doléances » et dossier pédagogique

Tarn-et-Garonne :  « Les cahiers de doléances » (cycles 3 et 4)

Var : « Les cahiers de doléances »

2)    Dossiers pédagogiques

Alpes-de-Haute-Provence : « La Haute-Provence à travers les cahiers de doléances, 1789 » (téléchargeable en ligne)

Finistère : « Les cahiers de doléances » : dossier en ligne, avec ressources pédagogiques et éléments chronologiques

Indre : « Les cahiers de doléances : les revendications des berrichons en 1789 » : étude selon une approche thématique (doléances politiques, fiscales, relative à la justice)

Gironde : « La Révolution française dans une commune : le cahier de doléances » (rubrique Histoire – temps modernes)

Loire-Atlantique : « Les cahiers de doléances » étudie la société en 1789

Marne : « Cahiers de doléances dans la Marne »

Bas-Rhin : « Les cahiers de doléances : deux exemples alsaciens. Les cahiers de Waldhambach et Mattstall » avec une fiche d'aide à la recherche et la liste des cahiers de doléances conservés

Saône-et-Loire : « 1789. Les cahiers de doléances  »et « La Révolution en Bresse »

Seine-Maritime : « Paroles de normands : les cahiers de doléances »avec une fiche méthodologique de recherche

Yvelines : « Les cahiers de doléances » : atelier et dossier en ligne avec grille d’analyse et questionnaire

3)    Expositions itinérantes

Ardèche : « La France de 1789 à travers les cahiers de doléances » (exposition réalisée par les Archives nationales)

Landes : « Des Lannes aux Landes, la Révolution dans les Landes » : une partie est consacrée aux cahiers de doléances ; avec livret pédagogique d’accompagnement, corrigé pour les enseignants, et plusieurs cahiers numérisés

4)    Jeux

Lozère : « Les États généraux de 1789 en jeu de rôle » pour comprendre comment se déroulèrent l'assemblée du Tiers-État de Mende, la rédaction des cahiers de doléances et l'élection des députés

Bibliographie

1)    Quelques titres généraux

Il existe peu d’études récentes consacrées entièrement aux cahiers de doléances. Mentionnons :

Il faut se reporter aux études plus larges menées sur la Révolution française, qui sont pléthoriques. Albert Soboul est incontournable. Citons son Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, 1989, rééd. 2004 et 1789, l'an un de la liberté : étude historique, textes originaux, Paris, 1950, rééd. 1989. Sa bibliothèque est déposée au musée de la Révolution française à Vizille.

Voir aussi les Annales historiques de la Révolution française.

2)    Publications des services d'archives qui abordent le sujet des cahiers de doléances

Archives nationales : La France de 1789 d'après les cahiers de doléances, catalogue d'exposition, Archives nationales, Paris, 1978, rééd. 1988.

Indre : L’Indre en Révolution des Lumières à l’Empire, Archives départementales, 2010.

(liste non exhaustive)

Le bicentenaire de la Révolution a vu fleurir nombre de publications sur les cahiers de doléances dans les services d'archives : catalogues d'exposition, dossiers pédagogiques... Citons-en quelques-uns pour mémoire car beaucoup ne sont plus disponibles :

Maine-et-Loire : L’Anjou, de la province au département. 1785-1800, Archives départementales, 1989.

Manche : Doléances pour la Manche, 1789. Les cahiers de doléances du bailliage de Cotentin, Service éducatif des Archives départementales et Centre départemental de documentation pédagogique, Saint-Lô, 1989.

Haute-Provence : La Haute-Provence à travers les cahiers de doléances, Service éducatif des Archives départementales, 1989.

Beaune : Les Cahiers de doléances du tiers état beaunois, Archives municipales, Beaune, 1989.

Pour aller plus loin

Le domaine de Vizille - musée de la Révolution française

Institut d’histoire de la Révolution française et sa revue électronique

 

Liens