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Article : Les sources relatives à la mer : l'aménagement et l'environnement

Le Phare Sainte-Marie à Marseille, XXe siècle (6 Fi 3238)

Cette page consacrée à l'aménagement et à l'environnement constitue le dernier volet du dossier thématique sur la mer, qui en comporte trois autres :

Les infrastructures

Les ports de commerce

Le commerce transocéanique sous l’Ancien Régime se concentre autour de quelques grands ports, favorisés par l’obtention au XVIIIe siècle du monopole du commerce, marchandises et traite négrière, avec les colonies. Nantes, Bordeaux et Le Havre - port de guerre créé par François Ier et réorienté progressivement vers le commerce - exercent en même temps leur influence sur les havres environnants. Certains les alimentent ou deviennent leurs avant-ports : Nantes, que les navires de fort tonnage atteignent difficilement, s'appuie ainsi sur Paimboeuf, où les marchandises sont déchargées avant la remontée de l'estuaire de la Loire. D'autres déclinent peu à peu comme Brouage, spécialisé dans le commerce du sel pourtant indispensable à la conservation des aliments, ou sont créés comme Lorient par la Compagnie des Indes et Sète pour offrir un débouché aux produits du Languedoc. L'augmentation du trafic nécessite un aménagement des ports de l'hexagone et de l'outre-mer, comme par exemple celui de Saint-Pierre de la Martinique, et leurs richesses attirent de nouveaux habitants, employés dans le bâtiment, sur les quais ou dans les constructions navales. Au XIXe siècle, l'ouverture de nouveaux marchés, l'accroissement des échanges avec l'Amérique du Nord et l'amélioration de la navigation grâce à la signalisation maritime et l'utilisation de la vapeur et de la coque métallique privilégient des ports comme Boulogne, Calais et Saint-Nazaire, mais aussi Marseille avec l'ouverture du canal de Suez.  Apparaissent alors de grands ports industriels aménagés de grands bassins bétonnés, de grues mécaniques, d'entrepôts et de voies ferrées, comme par exemple Dunkerque ou Marseille-Fos au XXe siècle, l'une des plus importantes zones industrialo-portuaires d’Europe.

Plan du port de Sète et de ses forts, 1790 © AD Hérault (C 6950-10)

Des installations portuaires dédiées au commerce ou à la pêche existent également à côté des ports de guerre, comme Rochefort et Brest : leurs archives sont conservées par le Service historique de la Défense (SHD).

Aux Archives nationales, le fonds du Secrétaire d'État de la Marine conserve des documents sur l'aménagement des ports ; on trouve dans ceux de l'administration du commerce et de l'industrie et du ministère des Transports et de ses successeurs de nombreux documents relatifs aux ports, par exemple des dossiers sur leur régime commercialdes adjudications de travaux ou des projets techniques d’aménagement ; la signalisation maritime peut être étudiée grâce aux archives du Service des phares et balises. Les Archives nationales d'outre-mer (ANOM) conservent les documents relatifs aux ports des colonies et de l'Algérie. Ceux des ports des territoires sous protectorat le sont aux Archives diplomatiques. Les Archives nationales du monde du travail (ANMT) conservent des fonds d'entreprises de construction et de constructions navales.

Les Archives municipales et départementales conservent des documents sur les activités, les aménagements et l'entretien des ports, comme dans le Calvados, les Landes, le Pas-de-Calais, Cannes ou Landerneau ; les Archives de Nantes conservent un plan-relief du port de Nantes, commandé par la chambre de commerce de la ville au maquettiste Pierre Auguste Duchesne pour l'Exposition universelle de 1900 ; celles de  Dunkerque des fonds d'entreprises de constructions navales ; les Archives du Var conservent des témoignages oraux de femmes d'employées des chantiers navals de La Seyne-sur-Mer.

Les métiers liés à l'activité portuaire apparaissent dans les archives notariales, comme en Charente-Maritime.

 Vue aérienne du port du Havre, 1968 © AD de la Seine-Maritime (106Fi Le Havre 10)

Les ports de guerre

Jusqu'au XVIIe siècle, la France ne dispose pas d'une marine de guerre permanente. Dès son arrivée au pouvoir, Richelieu affirme sa volonté d'en constituer une, mais c'est Colbert, voulant faire de la France une grande puissance maritime, qui entreprend des réformes décisives. La conception et la réalisation de la flotte de guerre, jusque-là constituée essentiellement de bâtiments étrangers, sont nationalisées ; différents types de vaisseaux apparaissent, classés en plusieurs catégories selon leur tonnage et la puissance de leur artillerie.

Pour les construire et les armer, le royaume dispose d'arsenaux dans ses ports militaires, dont les principaux, Brest, Rochefort et Toulon, puis plus tard Le Havre, Cherbourg, Lorient et Dunkerque, deviennent de vastes complexes industriels, qui rassemblent un grand nombre de corps de métiers et peuvent concentrer plusieurs milliers d’ouvriers :  maîtres constructeurs, charpentiers, calfats, cordiers, poulieurs etc., assemblent les navires à partir de divers matériaux, bois venus de tout l'hexagone ou de l'étranger, chanvre, goudron, suif, et les équipent d'ancres fabriquées par exemple par les Forges de la Chaussade.

À partir du XIXe siècle, les progrès techniques transforment les arsenaux qui doivent s'agrandir pour accueillir de nouveaux ateliers de chaudronnerie, d’ajustage, de montage ou d’électricité ; des entreprises leur fournissent des pièces, comme la Compagnie des Forges et Aciéries de la Marine d'Homécourt et des chantiers navals privés leur construisent des bâtiments, comme les chantiers Augustin Normand au Havre. Détruits par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, les arsenaux, comme celui du Havre, sont reconstruits et modernisés par des campagnes de grands travaux et d'informatisation de leurs ateliers.

Machine à mâter les navires
Machine à matter les vaisseaux royaux, XVIIIe siècle © AN (6JJ 89A 86)
Vue de la voilerie de l'arsenal de Rochefort
Voilerie de l'arsenal de Rochefort, 1890 © SHD (MR5 G1238)

Le SHD conserve les archives relatives aux ports militaires et aux arsenaux ; des images numérisées des maquettes de navires construits dans l'arsenal de Rochefort à partir de la fin du XIXe siècle sont mises en ligne sur le site web de Mémoire des Hommes. On trouve aux Archives nationales des documents relatifs  à l'histoire des ports militaires avant la Révolution et des arsenaux sous l'Occupation ; des dossiers individuels de membres du personnel des arsenaux sont disponibles en ligne, comme celui de René Conan, maître calfat en 1787. Les ANOM en conservent sur les ports militaires et les arsenaux des colonies et de l'Algérie. Les ANMT conservent les archives d'entreprises ayant travaillé pour la Marine.

Les documents peuvent également être conservés dans les services territoriaux, comme aux Archives de la Gironde ou de Brest pour les ports militaires ; aux Archives de la Côte-d'Or ou celles de l'Hérault pour les arsenaux. Les Archives de la Loire ont numérisé un album de la Compagnie des Forges et Aciéries de la Marine et des Chemins de Fer qui fournissait du matériel, notamment de l'artillerie de bord, à la Marine ; celles de la Nièvre conservent des documents relatifs aux Forges de la Chaussade à Guérigny. Les Archives de Brest mettent en ligne une étude sur la mémoire de l'arsenal de Brest réalisée à partir des témoignages d'ouvriers qui y ont travaillé ; celles du Morbihan une page  sur la base de sous-marins de Lorient, où étaient fabriqués les U-Boot pendant l'Occupation.

Le personnel des arsenaux peut être étudié à partir des archives notariales, comme par exemple François Coulomb, maître constructeur de vaisseaux du Roi en 1714, membre d'une famille de maîtres contructeurs de vaisseaux parmi les plus célèbres du XVIIIe siècle.

Plan de l'arsenal de Lorient en 1946 © AD du Morbihan (110 W 103)

L'environnement

Les éventuelles conséquences sur l'environnement de la croissance au XXe siècle du transport des hydrocarbures n'inquiètent véritablement les autorités et la population qu'à partir du naufrage en 1967 du Torrey Canyon et de la pollution des côtes bretonnes, normandes et du Nord. Des pétroliers se sont pourtant déjà brisés lors de tempêtes et ont provoqué des marées noires, comme La Nièvre en 1937 sur le littoral du Finistère. La pollution maritime est en outre constatée depuis longtemps : des eaux usées sont déversées dans le port de Lomener à Plœmeur en 1934 et du mazout se répand dans la rade de Lorient trois ans plus tard. Pour prévenir d'autres catastrophes après celle de 1967, l'État prend diverses mesures, comme la création du plan POLMAR (POLlution MARitime), d'un dispositif de séparation du trafic au large de la Bretagne, le rail d'Ouessant, et de nouveaux Centres Régionaux Opérationnels de Secours et de Sauvetage (CROSS) ; des remorqueurs de très grande puissance sont également affrêtés, comme l’Abeille Flandre. Les naufrages en 1976 de l'Olympic Bravery et du Bohlen ne peuvent cependant pas être évités et sont suivis deux ans plus tard de celui de l'Amoco Cadiz, dont la cargaison d'hydrocarbures se déverse sur le littoral breton. La catastrophe écologique qui en résulte mobilise les Bretons et la France entière : des manifestations sont organisées, des tracts distribués, des collectes lancées pour aider les sinistrés et des milliers de bénévoles se pressent pour nettoyer les plages et sauver les oiseaux mazoutés, aidés notamment par des sapeurs-pompiers allemands. Au cours des décennies suivantes, les naufrages se succèdent, le Tanio en 1980, l'Amazzone en 1988, l'Erika pendant la tempête de 1999, le Prestige en 2002 au large de la Galice ; celui du chimiquier Ievoli Sun en 2000 n'engendre pas de conséquences sur l'environnement, contrairement à ceux des autres navires. Le fioul échappé de l'Erika atteint en effet par exemple les plages des Landes : les produits de la pêche doivent y être surveillés, comme dans le Morbihan et sur le reste du littoral, et des aides financières sont apportées aux producteurs ainsi qu'aux aux professionnels du tourisme. La proximité temporelle des marées noires de l’Erika et du Prestige provoque néanmoins une prise de conscience : le plan POLMAR est révisé tandis que l'Europe devient un acteur à part entière de la prévention et de la gestion des pollutions maritimes.

Marée noire à Portsall après le naufrage de l'Amoco Cadiz, 1978 © AD du Finistère (IC 152)
Opération de sauvetage d'oiseaux mazoutés, 1980-1985 © AD de la Somme (45Fi 2980)

L'urbanisation du littoral est à l'origine d'une autre catastrophe, la submersion d'une partie des côtes de la Vendée et de la Charente-Maritime lors du passage de la tempête Xynthia le 28 février 2010. Le très fort coefficient de marée et la violence du vent ont en effet provoqué la montée des eaux, qui ont submergé à La Faute-sur-Mer et à L’Aiguillon-sur-Mer les digues derrière lesquelles avaient été construits des lotissements sur des zones pourtant inondables. 47 victimes sont à déplorer, auxquelles s'ajoutent les conséquences économiques de la destruction des infrastructures et de la pollution engendrée par le déversement d'hydrocarbures.

Hélitreuillage sur un super tanker lors d'un exercice anti-pollution avec l'Abeille-Flandre, 2004 © AM Brest (3Fi 138-005)

Les Archives nationales conservent dans le fonds du ministère de l'Industrie des rapports et des études sur la pollution par les hydrocarbures ; dans celui de la Direction du transport maritime, des ports et du littoral, des dossiers sur les naufrages de pétroliers et d'un chimiquier ; dans le fonds du bureau des risques naturels et technologiques de la Direction de la sécurité civile des documents relatifs à des marées noires, à la prévention des risques et à des plans et des mesures mis en place ; dans le fonds du ministère de l'Environnement des dossiers sur la prévention des pollutions maritimes et le naufrage du Ievoli Sun en 2000 ; dans celui de la Direction de la flotte de commerce des documents relatifs au matériel flottant de lutte contre la pollution marine et dans celui de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR), des documents sur la protection du littoral atlantique contre les raz de marée, par exemple.

Les ANMT conservent dans le fonds des Chantiers du Nord et de la Méditerranée (NORMED) des documents relatifs à un véhicule lourd d'intervention contre la pollution pour la récupération des hydrocarbures en mer et à la pollution des eaux de mer dans celui de la Compagnie universelle du Canal maritime de Suez.

Les Archives d'Ille-et-Vilaine conservent le fonds du Conseil supérieur de la pêche et de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) ; elles ont organisé en 2021 une exposition sur le naufrage de l'Amoco Cadiz, "Bleu pétrole. Le scandale Amoco" et collectent des documents relatifs au drame ; les Archives de Brest consacrent un documentaire sur la marée noire de l'Amoc Cadiz, réalisé à partir de documents d'archives ; celles des Landes conservent le fonds de la direction départementale de l'environnement, comme le Finistère ; les Archives de Saône-et-Loire conservent un documentaire sur le nettoyage de la Côte sauvage après le naufrage de l'Erika ; les Archives de Nice, des documents relatifs à des exercices de prévention des risques et celles de Guyane sur une pollution des zones de pêche par une drague du Centre spatial guyanais ; les Archives de l'Hérault en conservent sur les dégâts causés par les tempêtes sur le littoral, la réhabilitation des massifs dunaires et l'acquisition de terrains pour le Conservatoire du littoral ; celles de la Charente-Maritime sur la tempête Xynthia.

Des fonds privés complètent cette documentation : aux Archives nationales, le fonds de l'association de défense et de la protection de la nature constitué notamment de dossiers sur les marées noires ; aux Archives du Calvados, les papiers privés de Michel d'Ornano, ministre de l'Environnement sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing dans lesquels il évoque les conséquences de la pollution marine sur la pêche en Normandie et le bilan écologique de la pollution de l'Amoco Cadiz ; aux Archives du Finistère, le témoignage de l'abbé Joseph Jézéquel, témoin du naufrage de l'Amoco Cadiz ; aux Archives de la Charente-Maritime, des documents relatifs aux conséquences directes et indirectes des pollutions maritimes sur la pêche dans les papiers privés du député Louis Joanne et dans ceux de la société de fabrication de filets de pêche Yves Roudier ; dans les Côtes-d'Armor, le fonds Amoco-Cadiz, constitué de documents provenant du cabinet d'avocats Huglo-Lepage, qui a défendu les collectivités bretonnes lors du procès contre la Standard Oil of Indiana.

Les Archives de la CFDT conservent un dossier d'enquête sur le naufrage de l'Amoco-Cadiz ; les Archives historiques de TotalÉnergie sur celui de l'Erika.

Centre océanologique de Bretagne : mise en place de barrages flottants, XXe siècle © AM Brest (10Fi 94)

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